Venus nous rappelle avec « The Red Room » qu’il fut en son temps l’un des premiers groupes beglo-anglophone avec Deus à sortir de la masse et à s’être imposé dans l’Europe toute entière par des compositions éblouissantes et transportés. Avec la pléthore d’autres band comme Ghinzu ou Girls In Hawaii venu dans leurs sillage, ils sont maintenant en bonne compagnie mais toujours à des années lumières d’avances sur leurs petits copains de jeu terriens.
Bonjour Marc, cette chambre rouge qui donne le titre à votre nouvel album existe elle vraiment ?
Marc A. Huyghens : «(rire) Oui c’est une image concrète. J’habitais dans un apparemment avec une pièce peinte en rouge, tapis rouge au sol, lit rouge, lampadaire rouge : tout est vrai de vrai.»
Vous avez donc préféré déménager ?
Marc A. Huyghens : «Ce qui est drôle, c’est qu’effectivement l’album sort et que je viens juste de partir de ce lieu. J’y ai vécu 2 ans, c’est à la louche des prémices de l’album jusqu’à sa sortie.»
Est ce là ou vous entassez tous vos espoirs et vos désillusions ?
Marc A. Huyghens : «On peut dire ça. Chaque personne qui a la chance d’avoir un chez sois, se donne souvent la possibilité d’installer une pièce ou il peut se permettre de faire des pauses introspectives pour lire un bouquin, voir ne rien faire, se reposer et laisser son esprit vagabonder.»
Comment allez vous faire maintenant que vous n’avez plus ce lieu ?
Marc A. Huyghens : « (rire) En plus maintenant dans mon nouvel appartement tout est entièrement blanc. Mais je ne pense pas que Venus va faire un double « White album » ! (rire)
L’idée de balance entre le bien et le mal, l’échec et la réussite n’a jamais été aussi présent que sur « Red Room »?
Marc A. Huyghens : «Je vous avoues que je n’ai pas mis en parallèles ces critères même si elles transparaissent en définitive. Ce n’est pas tant le bien et le mal, ou la réussite… je ne pense pas que ce sont des mots qui nous conviennent. Je suis plus dans l’idée d’une réalisation. Comment traverser la vie ? On ne naît pas seul mais on meurt seul. J’aimerais mettre en lumière ce trajet très court qu’est une existence. Poser la question de comment ne pas se tromper. Se poser des problématiques métaphysiques. Comme disent les bouddhistes : essayer de trouver sa juste place en sachant que nous sommes tous des poussières dans un univers. On est dans le Monde mais on l’entoure aussi. Mélanger les thèmes spirituelles, social et rationnel du quotidien voilà le but de Venus. A part les imbéciles heureux tout le monde se pose ce genre de questions.»
Vous avez quitté EMI pour Tôt ou Tard, étais ce un moyen aussi d’être plus en phase avec votre accomplissement artistique ?
Marc A. Huyghens : «Oui. C’est la meilleure chose que l’on ai pu faire. Sachant le respect que suscite ce label. L’éthique, la manière dont ils travaillent et la liberté artistique que l’on nous donne c’est fabuleux. Tout est beaucoup plus facile pour trouver des contacts à l’étranger alors que c’était cadenassé chez EMI. Je n’ai pas le sentiment d’être apaisé ou accomplis mais simplement bourré d’énergie pour défendre cet album. C’est un virage pour nous.»
Vous n’êtes d’ailleurs pas tomber dans le piège de vouloir par ce changement de label faire une rupture musicale, « The Red Room » est plus une continuité avec le passée ?
Marc A. Huyghens : «Ce que vous dites, je le prends comme un compliment. Il n’y a rien de conceptuel ou de décidé à la base. Il y a une grande base d’intuition et de réaction à nos précédents albums : on a fait un peu le tour d’une certaine manière de produire nous même nos disques, de travailler en auto-production. On avait travaillé jusqu’alors en acoustique il était temps d’aller piocher dans les textures que peuvent donner le travail avec des effets, des amplis, mettre du grain en travaillant différemment du son pur d’un instrument acoustique. Là nous avions besoin de quelqu’un pour participer au chantier.»
Vous avez donc porté votre choix sur Head (Massive Attack, PJ Harvey,…)pour co-produire votre nouvel album ?
Marc A. Huyghens : «Le hasard ou le destin fait bien les choses. Dans un premier temps nous voulions travailler avec John Parish. Son emploi du temps était surchargé et il nous a aiguillé vers Head avec qui il a travaillé moult fois. Head est moins producteur qu’ingénieur du son. Nous avions travaillé un an sur les morceaux : nous avions donc au niveau des arrangements et des couleurs ce qu’il fallait sur notre palette, lui a plutôt fait un excellent job technique pour restituer ces sons et les révéler. On aurait pu faire l’album sans lui mais il n’aurait pas été aussi épanoui.»
Vous parlez beaucoup de simplification pour ce disque ?
Marc A. Huyghens : «Comme nos sonorités sont très denses on a cherché à élaguer. A la fois moins de notes plutôt que plus de notes et même aussi l’éloignements du format habituel couplet-refrain. L’album reste harmonique mais nous avons essayé de nous écarter des sentiers battus.»
Vous écartez aussi toute possibilité de single diffusable ?
Marc A. Huyghens : «Ca c’est clair ! C’est risqué mais quand je vois la réaction de notre label cela ne va pas les empêcher de travailler sur l’album car ils y croient et le voient comme un tout.»
Pourquoi avez vous eu ce besoin d’enregistrer votre disque sur bande analogique, de vouloir tout fixer en 1 prise ?
Marc A. Huyghens : «Je vous corrige, ce n’est pas en une prise mais le groupe ensemble en 3 ou 4 prises d’un morceaux. Avec très peu d’overdub. Tout cela pour donner encore plus de relief à nos compositions.»
« Everybody Wants To Be Loved » est un hommage au cinéma de John Cassavetes, qu’est ce qui vous touche dans ses films ?
Marc A. Huyghens : «Cet hommage (à notre échelle) est simplement le fait qu’il le mérite amplement. Outre sa manière de filmer, le cadre qu’il maîtrisait parfaitement, je ne pense pas qu’un autre réalisateur ai pu filmer aussi bien le quotidien tout en faisant ressentir autant les non-dits. Pour moi c’est le super talent de Cassavetes. En regardant pour la trentième fois «Opening Night» je peux vous certifier que le début est magnifique, cette actrice de 50 ans qui est en pleine crise et qui se remémore en voix off la spontanéité de ses sentiments lorsqu’elle avait 16 ans et que là arrivée à 50 elle a perdu cette naïveté… tout est dit !»
Justement est ce que Vénus sera encore un groupe lorsque vous soufflerez vos cinquante bougies chacun ?
Marc A. Huyghens : «Aujourd’hui j’en reverrais ! Cela fait 9 ans que le groupe existe. On pourrait se dire qu’un groupe c’est un truc d’adolescent et qu’après tant de temps il faudrait tourner la page mais je ne crois pas. On ne s’est jamais aussi bien entendu. On se connaît vraiment parfaitement. On apprécie nos talents respectifs et on acceptent nos défauts. Il y a de moins en moins de tabous entre nous. On essaye tout, rien n’est mis de cotés, il n’y a plus d’égocentrismes.»
Pour faire un grand écart cinématographique : Enki Bilal a utilisé le son de Venus sur son dernier film « Immortel » ?
Marc A. Huyghens : «C’est très simple, il cherchait quelque chose de précis pour la dernière scène de son film, il a entendu « Beautiful Day » et nous a appelé pour la mettre sur sa BO. C’était pour le moins classieux, c’est un bonhomme avec beaucoup de respect. Comme le générique qui suivait cette scène était très long il nous a demandé de décliner notre chanson dans une version instrumental sur plus de 7 mn. »
A la fin du mois d’Avril vous donnez 3 concerts en Angleterre en première partie de John Parish, êtes vous connu en Grande-Bretagne ou est ce une première ?
Marc A. Huyghens : «Nous n’y avons encore jamais mis les pieds ! enfin pour jouer en tout cas. Nous n’avons plus ce fantasme d’aller jouer en Angleterre berceau du rock et de la pop. L’occasion est simplement belle et nous verrons bien l’accueil que l’on nous réserve. Mais nous sommes tout autant attiré par nos voyages en Scandinavie, en Espagne ou en Allemagne. Cela dit on est curieux de voir la réaction des anglais mais ce n’est pas une obsession.»
Pour votre nouveau clip vous avez demandé la participation de vos fans, de quelle manière ?
Marc A. Huyghens : «Le clip c’est l’histoire d’un gars qui veut traverser une rue car il a vu en face quelqu’un qui l’a subjugué mais il n’y arrive pas car on l’en empêche. Nous avons donc demandé à des volontaires de venir faire de la figuration tout simplement.»
C’est un beau moment pour les gens qui vont se retrouver sur votre musique ?
Marc A. Huyghens : «Ils se sont en tout cas bien marrés malgré la pluie et les conditions atmosphériques.»
Pour finir, en parlant de rouge, pouvez vous me redonner la réplique de Benoit Poelvoorde sur cette couleur rouge dans « C’est arrivé près de chez Vous » ?
Marc A. Huyghens : «Non ! (rire)»
Pierre DERENSY |